154230SECOND LIVRE
Alteſſe car j’ay formé le mont Athos à la ſemblance d’vne ſtatue
d’homme, tenant en ſa main gauche vne ville ſpacieuſe: & en ſa
droite vne grãd’ taſſe, qui receura les eaux de tous les fleuues de-
riuans de celle mõtaigne, leſquels de là s’ẽ iront aualler en laMer.
Alexãdre eſiouï en la raiſon de telle forme, demanda incontinẽt
ſi enuirõ ce mõt là il y auoit point de terres labourables qui puiſ
ſent entretenir la Cité de grains & autres prouiſions neceffaires.
A quoy luy fut reſpondu que non, ſi ce n’eſtoit par l’apport de la
marine. Adonc ſe tournãt deuers Dinocrates, luy dit: Mõ ami, j’ay
biẽ entendu la belle inuentio dõt vous m’auezparlé: qui me plaiſt
grãdement: toutesfois je conſidere que ſi quelcũ enuoyoit là vne
Colonie de gẽts pour y habiter, lõ blaſimeroit ſon jugemẽt, pour-
ce que tout ainſi qu’vn enfant nouueau nay, ne peut eſtre eſſeué
ſans le laict de fa nourrice, ny cõduit par les degrés de la vie croiſ-
ſante: ainſi vne Cité ſans terres labourables, & ſans les fruicts qui
en prouiennent, leſquels ſe deſpenſent dans l’enclos des murail-
les, ne ſe peut accroiſtre, auoir aſſemblee de peuple, eſtãt deſgar-
nie de viures, ny ſe maintenir en eſtat. Ainſi donques cõme j’eſti-
me beaucoup voſtre deſſeing bien entendu: pareillementje juge
que le lieu, deſtitué de telles commodités, n’eſt nullement à ap-
prouuer: toutesfois je vous retien en mon ſeruice, & vous veuil
deſormais employer en quelques bons affaires. Celà fut occaſion
qu’onques depuis Dinocrates ne ſe departit d’auec le Roy, ains le
ſuyuit juſques enEgypte: où trouuãt vn port ſeur & bon de ſa na-
ture, conuenable à la traffique de marchandiſe, les terres d’enui-
ron Egypte fertiles de bõs grains, & les grandes vtilités du mer-
neilleux fleuue, dit le Nil: le plaiſir de ſa Majeſté fut cõmander à
iceluy Dinocrates, qu’il edifiaſt là vne ville, & la nommaſt de ſon
nõ, Alexandrie. Voilà cõment ceſt Architecte paruint en aucto-
rité, pour eſtre hõme de belle preſence & diſpoſition de perſon-
ne. Quant eſt de moy, ô Empereur, la nature ne m’a pas doüé de
ſtature gueres haute; l’aage m’a difformé la face, & les maladies
extenué mes forces: parquoy me congnoiſſant deſgarni de telles
graces, j’eſpere tãt faire à l’aide des bonnes lettres, & au moyẽ de
mes eſcrits, que je paruiendray à quelque reputation.
d’homme, tenant en ſa main gauche vne ville ſpacieuſe: & en ſa
droite vne grãd’ taſſe, qui receura les eaux de tous les fleuues de-
riuans de celle mõtaigne, leſquels de là s’ẽ iront aualler en laMer.
Alexãdre eſiouï en la raiſon de telle forme, demanda incontinẽt
ſi enuirõ ce mõt là il y auoit point de terres labourables qui puiſ
ſent entretenir la Cité de grains & autres prouiſions neceffaires.
A quoy luy fut reſpondu que non, ſi ce n’eſtoit par l’apport de la
marine. Adonc ſe tournãt deuers Dinocrates, luy dit: Mõ ami, j’ay
biẽ entendu la belle inuentio dõt vous m’auezparlé: qui me plaiſt
grãdement: toutesfois je conſidere que ſi quelcũ enuoyoit là vne
Colonie de gẽts pour y habiter, lõ blaſimeroit ſon jugemẽt, pour-
ce que tout ainſi qu’vn enfant nouueau nay, ne peut eſtre eſſeué
ſans le laict de fa nourrice, ny cõduit par les degrés de la vie croiſ-
ſante: ainſi vne Cité ſans terres labourables, & ſans les fruicts qui
en prouiennent, leſquels ſe deſpenſent dans l’enclos des murail-
les, ne ſe peut accroiſtre, auoir aſſemblee de peuple, eſtãt deſgar-
nie de viures, ny ſe maintenir en eſtat. Ainſi donques cõme j’eſti-
me beaucoup voſtre deſſeing bien entendu: pareillementje juge
que le lieu, deſtitué de telles commodités, n’eſt nullement à ap-
prouuer: toutesfois je vous retien en mon ſeruice, & vous veuil
deſormais employer en quelques bons affaires. Celà fut occaſion
qu’onques depuis Dinocrates ne ſe departit d’auec le Roy, ains le
ſuyuit juſques enEgypte: où trouuãt vn port ſeur & bon de ſa na-
ture, conuenable à la traffique de marchandiſe, les terres d’enui-
ron Egypte fertiles de bõs grains, & les grandes vtilités du mer-
neilleux fleuue, dit le Nil: le plaiſir de ſa Majeſté fut cõmander à
iceluy Dinocrates, qu’il edifiaſt là vne ville, & la nommaſt de ſon
nõ, Alexandrie. Voilà cõment ceſt Architecte paruint en aucto-
rité, pour eſtre hõme de belle preſence & diſpoſition de perſon-
ne. Quant eſt de moy, ô Empereur, la nature ne m’a pas doüé de
ſtature gueres haute; l’aage m’a difformé la face, & les maladies
extenué mes forces: parquoy me congnoiſſant deſgarni de telles
graces, j’eſpere tãt faire à l’aide des bonnes lettres, & au moyẽ de
mes eſcrits, que je paruiendray à quelque reputation.