1707195DE VITRVVE.
mit à en conſulter auec ces ſix eſſus par luy, leur demandant s’ils
congnoiſſoient aucun qui fuſt ſuffiſant d’accomplir & parfaire
leur nombre. A quoy ils reſpondirẽt, qu’vn certain Ariſtophanes
pourroit bien employer ſes jours à lire ſongneuſement les liures
amaſſés, pour les rediger en ordre: dont le Roy fut merueilleuſe-
ment ſatisfaict & le fit admettre en leur congregation: où eſtant
conſtitué, & le jour des Ieux eſcheu, il s’en alla feoir en la place
qui luy eſtoit aſſignee. Puis eſtans les Poëtes appellés au pre-
mier choc, ce pendant qu’ils recitoyent les œuures, le peuple de-
monſtroit par indices apparents ceux qui luy eſtoyẽt aggreables:
& quand ce vint à en demander les opinions aux Iuges, les ſix
dirent tous l’vn comme l’autre, adiugeans le premier prix à celuy
qu’ils congnurent auoir plus delecté la multitude, le ſecond au
deuxieme, & ainſi conſequemment de tous les autres. Mais quãd
ce vint au ſuſdit Ariſtophanes, il fut de ſentence entierement cõ-
traire, & prononcea que celuy des Poëtes qui n’auoit aucunemẽt
pleu à l’aſſiſtance, deuoit auoir l’honneur de la journee: dont le
Roy & chacun furent griefuement offenſés. Quoy voyant iceluy
Ariſtophanes, ſe leua en pieds, & obtint par prieres qu’il luy fuſt
loiſible de faire entendre qui l’auoit meu. Alors tout le monde
faiſant ſilence, il perſiſta, que celuy qu’il diſoit, ſe pouuoit eſtimer
Poëte: & tous les autres, vſurpateurs des ouurages d’autruy: ad-
jouſtant que l’office des Iuges eſtoit d’approuuer les inuentions,
& non les larrecins manifeſtes. Adoncle peuple ſe print à eſbahir
de telle magnanimité, & le Roy de ſa part à faire doute que ce re-
preneur ne peuſt venir à bout de ſon entente: mais luy eſtant
pourueu d’vne heureuſe memoire, pour confirmer ſon dire, tira
de certaines Armaires preſque vne infinité de Volumes, auſquels
conferant les Poëſies qui auoyent eſté recitees, contraignit ceux
qui s’en emparoyent, à confeſſer par leurs bouches, comment ils
les auoyent deſrobbees. au moyen de quoy le Roy ordonna ſur le
champ qu’on procedaſt contre eux comme contre larrons prou-
ués: & apres l’execution les chaſſa de ſa preſence à leur extreme
honte & vitupere: puis fit pluſieurs beaux preſents à celuy qui les
auoit ainſi deſcouuerts, & entre autres choſes le conſtituachef de
ſadicte Librairie, Dauantage quelſques ans apres, vn outrecuidé
portant nom de Zoïle, & ſe faiſant ſurnõmer Homeromaſtix, c’eſt
à dire fleau d’Homere, vint en celle meſme ville d’Alexandrie, où
il iecita deuant la majeſté du Roy ſes detractions contre l’Ilia-
congnoiſſoient aucun qui fuſt ſuffiſant d’accomplir & parfaire
leur nombre. A quoy ils reſpondirẽt, qu’vn certain Ariſtophanes
pourroit bien employer ſes jours à lire ſongneuſement les liures
amaſſés, pour les rediger en ordre: dont le Roy fut merueilleuſe-
ment ſatisfaict & le fit admettre en leur congregation: où eſtant
conſtitué, & le jour des Ieux eſcheu, il s’en alla feoir en la place
qui luy eſtoit aſſignee. Puis eſtans les Poëtes appellés au pre-
mier choc, ce pendant qu’ils recitoyent les œuures, le peuple de-
monſtroit par indices apparents ceux qui luy eſtoyẽt aggreables:
& quand ce vint à en demander les opinions aux Iuges, les ſix
dirent tous l’vn comme l’autre, adiugeans le premier prix à celuy
qu’ils congnurent auoir plus delecté la multitude, le ſecond au
deuxieme, & ainſi conſequemment de tous les autres. Mais quãd
ce vint au ſuſdit Ariſtophanes, il fut de ſentence entierement cõ-
traire, & prononcea que celuy des Poëtes qui n’auoit aucunemẽt
pleu à l’aſſiſtance, deuoit auoir l’honneur de la journee: dont le
Roy & chacun furent griefuement offenſés. Quoy voyant iceluy
Ariſtophanes, ſe leua en pieds, & obtint par prieres qu’il luy fuſt
loiſible de faire entendre qui l’auoit meu. Alors tout le monde
faiſant ſilence, il perſiſta, que celuy qu’il diſoit, ſe pouuoit eſtimer
Poëte: & tous les autres, vſurpateurs des ouurages d’autruy: ad-
jouſtant que l’office des Iuges eſtoit d’approuuer les inuentions,
& non les larrecins manifeſtes. Adoncle peuple ſe print à eſbahir
de telle magnanimité, & le Roy de ſa part à faire doute que ce re-
preneur ne peuſt venir à bout de ſon entente: mais luy eſtant
pourueu d’vne heureuſe memoire, pour confirmer ſon dire, tira
de certaines Armaires preſque vne infinité de Volumes, auſquels
conferant les Poëſies qui auoyent eſté recitees, contraignit ceux
qui s’en emparoyent, à confeſſer par leurs bouches, comment ils
les auoyent deſrobbees. au moyen de quoy le Roy ordonna ſur le
champ qu’on procedaſt contre eux comme contre larrons prou-
ués: & apres l’execution les chaſſa de ſa preſence à leur extreme
honte & vitupere: puis fit pluſieurs beaux preſents à celuy qui les
auoit ainſi deſcouuerts, & entre autres choſes le conſtituachef de
ſadicte Librairie, Dauantage quelſques ans apres, vn outrecuidé
portant nom de Zoïle, & ſe faiſant ſurnõmer Homeromaſtix, c’eſt
à dire fleau d’Homere, vint en celle meſme ville d’Alexandrie, où
il iecita deuant la majeſté du Roy ſes detractions contre l’Ilia-